Méthanisation : la déposition de la Fédération pour Oudon-Biogaz (Livré).

Quel est ce projet ? Basé à Livré-la-Touche, il est emblématique pour la FE 53 qui le suit depuis 2013 – 140  000 tonnes (1 000 tonnes par jour) – 76 exploitations, 150 agriculteurs, 70 communes concernées dont 50 en Mayenne.
Ce projet est passé en enquête publique du jeudi 5 novembre au vendredi 4 décembre 2020. Environ 120 dépositions ont été écrites. Voici celle de la FE 53 (signée par le bureau) : 

« La défense des riverains et la protection de l’environnement, trop souvent les grands oubliés des projets, sont les raisons principales d’être de la Fédération pour l’Environnement  en Mayenne (FE 53).

25 associations ou collectifs y adhèrent, représentant 1 100 personnes environ. Créée en 2011, la FE 53 est une fédération indépendante composée uniquement de bénévoles se réclamant d’une certaine expertise dans divers domaines dont la méthanisation.

Quels que soient les projets, elle croit fortement en l’existence d’un terrain d’entente entre chaque partie. Il ne doit y avoir ni perdants d’un côté, ni gagnants de l’autre. Une charte définit l’esprit de la Fédération. Ainsi, les opposants systématiques comme les anti-éoliens n’y sont pas admis.

Elle dispose d’une habilitation et d’un agrément délivrés par l’État, ce qui rend sa place légitime dans les réunions officielles de la préfecture ou au CODERST, au CDPNAF, aux différents CSS…

Pour plus de renseignements : https://fe53.ovh/

Un avis en attente… Explications.

C’est un projet emblématique pour la FE 53 qui, dès 2013 accompagnait l’ADTEC, l’association locale de Pommerieux/Craon, pour s’opposer vigoureusement à la première version du projet Oudon-Biogaz prévu au sud de Craon.

1 – Le rappel historique

La Fédération pour l’Environnement en Mayenne s’était opposée au projet Oudon-Biogaz à l’époque pour deux raisons :

1 – L’emplacement : 13 foyers dont plusieurs avec enfants en bas âge dans un rayon de 800
m, aucun agriculteur à moins de 4 km, projet décentré par rapport aux actionnaires,
route inadaptée, absence totale de dialogue ;

2 – La surdimension : 120 000 tonnes d’effluents par an, 166 agriculteurs, 6,5 ha.

Élus, Chambre d’agriculture, FDSEA, SAFER, etc : tout le monde le voulait ce projet de « territoire » que les riverains avaient découvert par la presse début juillet 2013.

Pour ces derniers, l’absence totale de concertation ne pouvait que compliquer la réalisation de ce projet et rendre le climat passionnel (ce qui se passe aujourd’hui avec les fosses). Le préfet de l’époque avait cependant mis une condition, celle de l’acceptabilité sociale

De nombreuses actons furent entreprises : recherche d’alternatives, réunions publiques à Pommerieux et à Craon (700 personnes), manifestation dans les rues de Craon (43 tracteurs et 500 manifestants !), AG de la FE 53 à Craon (près de 100 personnes en présence de l’actuel Président du Conseil Départemental), aide d’un avocat : rien n‘y faisait !

La préfecture, voyant le projet s’enliser s’est alors manifestée et suggéra aux opposants une rencontre avec les porteurs de projet pour tenter une médiation. Sous son arbitrage et dans ses locaux, Oudon-Biogaz et la FE 53/ADTEC ont confronté leurs arguments devant une quinzaine de personnes. C’était le 27 avril 2016. À aucun moment, les détracteurs n’ont été mis en difficulté et le fait qu’ils avaient une alternative à proposer (le biogaz porté) leur a donné du crédit. La secrétaire générale de la préfecture remercia même les intervenants « pour leur qualité d’expert » : la FE 53 avait réussi son examen !

Quelques mois plus tard, Oudon-Biogaz optait alors pour le biogaz porté et décidait de s’installer à Livré-la-Touche, à 12 km de là. Le projet allait se construire chez l’un de ses  actionnaires : un grand pas venait d’être franchi. « Faites-ça chez vous » : le grief lourd de sens souvent prononcé à l’encontre des agriculteurs n’avait plus de raison d’être.

Les porteurs de projet continuaient cependant à inviter la FE 53 lors de leurs CSS, à Livré-la-Touche désormais.

Quelques changements dans la gouvernance, une volonté de tourner la page de part et d’autre et voilà un climat de confiance qui fait son chemin. Même si avec les futurs riverains, les relations semblaient plus difficiles.

La FE 53 ne souscrit pas à la version très édulcorée de l’historique présenté dans le dossier par Oudon-Biogaz. Elle se devait alors de rappeler certains faits pour mieux tourner la page.

2 – L’évolution du projet

D’abord, en choisissant Livré-la-Touche, il était dans l’épicentre. Ensuite, ce lieu est moins dense. Le riverain le plus près est à 250 m et est actionnaire. On en compte quatre à moins de 650 m. Forts de l’expérience malheureuse précédente, les dirigeants décidèrent d’équiper l’usine d’un biofiltre (570 000 € !), limitant très sérieusement tout risque d’odeur, une vraie prise en compte du voisinage. C’est un outil très efficace comme en témoigne par exemple celui de la centrale biogaz de Montauban-de-Bretagne près de Rennes.

Devant chauffer le digestat à 70 ° pendant une heure (un article surprise du décret de juin 2018), 11 % la production d’énergie de l’unité devenait nécessaire pour y répondre. Heureusement, les constructeurs ont mis au point un système de récupération de chaleur fatale assez ingénieux et sans lequel le projet n’aurait pas vu le jour, faute d’intérêt économique et environnemental (la chaleur fatale est la chaleur qui s’échappe et se perd).

L’évolution technologique faisait aussi passer les cheminées de 25 à 12 mètres…

Deux types de digesteurs seront créés, l’un pour la filière bio, l’autre pour le conventionnel.

En effet, une dizaine de GAEC sont passés en bio. En optant pour le cahier des charges DigAgri1, le groupe fait passer un message environnemental plutôt rassurant.

Autre point fort du projet, c’est la récupération du CO2. Le biogaz contient environ 55 % de méthane et 45 % de CO2. En général, le CO2 est relâché dans la nature. Or ici, et grâce à la « surdimension » du projet, le CO2 sera récupéré. Les 6 000 tonnes seront utilisées dans des serres ou dans l’agroalimentaire.

Attention cependant à la demande qui semble fluctuante en France (la filière parle même d’un autre métier). Et tout ne semble pas récupéré : problème technique ?

Enfin, GrDF ayant opté pour une politique visant à mailler le département (une extension du réseau public via des canalisations qui vont chercher le biométhane au pied des méthaniseurs), le biogaz porté n’est plus d’actualité. Un rebours installé à Craon permettra de réinjecter le gaz non consommé dans le réseau, une évolution technologique bienvenue. Sans cet outil, cette opération était impossible auparavant, rendant alors le projet dangereusement tributaire des consommations locales, dont celles de Lactalis (35 % des consommations), surtout l’été.

3 – La ligne de conduite de la FE 53

Si la FE 53 et l’ADTEC avaient obtenu satisfaction sur l’emplacement, il n’en sera pas de même sur l’autre demande, celle de la surdimension.

Pour réduire la taille du projet, la fédération avait milité pour la construction de plusieurs méthaniseurs. Au-delà de 5 km, les experts disent que le transport du lisier, trop peu méthanogène, n’est pas rentable. Elle est toujours persuadée qu’un ou deux méthaniseurs dédiés à la cogénération auraient eu leur place dans le territoire. Il n’y a qu’à voir le succès de l’ex-Codéma à Changé (Deshyouest aujourd’hui). Déshydrater grâce à la vapeur les fourrages comme les luzernes, c’est un bon moyen de limiter les importations de soja et de renforcer le « local ». Un plus aussi pour éventuellement sécher des céréales à la récolte.

La surdimension entraîne des inquiétudes légitimes chez les riverains. Sauf accord, la FE 53 préconise une distance minimale de 500 m (800 m hors vents dominants sans biofiltre). Vivre à la campagne, c’est faire le choix d’un certain cadre de vie. Il n’est plus respecté à moins de 500 m car un projet qui occupe plus de 5 ha ressemble plutôt à une zone industrielle. La surdimension entraîne aussi une augmentation du trafic. La sécurité des riverains ne doit pas être remise en cause par la route.

L’argument financier pour justifier un site unique ne convainc pas la FE.  La filière (via le club ATEE biogaz dont l’un des dirigeants a réalisé les études de faisabilité…) a d’ailleurs fait du lobbying (avec succès) à une époque auprès de l’État pour une augmentation des tarifs au profit des grosses unités… au motif que l’effet d’échelle s’annulait au bout d’un moment. C’est ainsi que les grosses unités sont devenues plus alléchantes et les petites moins attrayantes…

Mais la menace d’une baisse future des tarifs de rachat du gaz n’a cependant rien de rassurant et la tentation d’incorporer plus de maïs peut être grande pour limiter le risque financier.
Des petits méthaniseurs rentables à la ferme, il en existe. Notamment ceux qui récupèrent les effluents directement des bâtiments : pas de transport, le méthane n’a pas le temps de s’échapper des effluents d’où un rendement optimum… Autre modèle viable à échelle humaine, le nouveau projet de Congrier qui se lance avec une dizaine d’agriculteurs seulement (ce projet n’a reçu aucune observation en enquête publique, à part celle de la FE).

La Fédération ayant échoué sur la surdimension, fallait-il être jusqu’au-boutiste ? Elle a considéré qu’en acceptant de déplacer le projet (entraînant donc de nouvelles études), l’effort consenti par Oudon-Biogaz devait être pris en compte et elle a stoppé ses exigences.

La FE 53 joue ou a joué un rôle dans un certain nombre de projets comme ceux de Meslay-du-Maine, de Congrier, de Chammes, de L’huisserie ou encore de Château-Gontier. L’avis de la FE 53 compte donc, ce qui lui vaut une certaine reconnaissance (elle a même été sollicitée dans le 49 et le 35) mais aussi des devoirs.

S’opposer à la surdimension du projet aujourd’hui ne serait pas faire preuve de cohérence au regard de son évolution. Au regard aussi du vote favorable de la municipalité locale. Au regard enfin de la discrétion des riverains du site. Il y va de la crédibilité chèrement acquise de l’organisme fédérateur qui ne doit pas renier ses idées.

Soit nous sommes favorables au nucléaire, dans ce cas, ne nous ennuyons pas avec les énergies renouvelables ? Ce n’est pas la position de la FE 53. Le nucléaire (et l’opacité qui l’entoure) ne maîtrise pas ses déchets, vigoureusement refusés en Mayenne il y a une vingtaine d’années, faut-il le rappeler.

Et comme personne ne souhaite revenir à la bougie…

Elle sait aussi qu’un tas de fumier dans un champ perd, selon Engie au minimum entre 25 et 30 % de son potentiel méthanogène en une semaine. S’en échappe donc du méthane qui est 25 fois plus nuisible au climat que le CO2 : difficile d’être contre la méthanisation !

ET selon les pétitionnaires, on ne verra plus des tas de fumiers dans les champs.

Mais ne pas s’opposer au projet n’implique pas un soutien sans faille…

4 – Les interrogations de la FE 53

Les avis des services (partie 3 de l’EP)

Les MRAe et le SAGE

Les 19 recommandations ou rappels des Missions Régionales de l’Autorité Environnementale ou MRAe ont interpellé la FE 53 qui ne peut pas ne pas en tenir compte, surtout sur un projet d’une telle ampleur.

Ainsi, l’entité indépendante dans sa conclusion note que la façon dont l’étude d’impact est présentée ne facilite pas la vision globale des incidences du projet. Elle indique par exemple que les éléments présentés ne lui permettent pas de se prononcer sur la réduction des gaz à effet de serre.

La réserve émise par le SAGE attire aussi l’attention.

Non sans raison si l’on en juge l’alerte donnée par l’association Eau & Rivières de Bretagne pour qui, plusieurs accidents liés au stockage, à la manipulation des intrants ou au fonctionnement de méthaniseurs sont à l’origine de pollutions de cours d’eau bretons. Le dernier étant l’accident du méthaniseur de Châteaulin qui a privé d’eau 180 000 personnes fin août.

Les fosses non couvertes

Certaines fosses de stockage de digestat non couvertes à proximité de riverains inquiètent.

Dans chaque cas, ni Oudon-Biogaz, ni l’agriculteur concerné n’a averti personne.

La présence d’une telle fosse à 100-150 voire 200 m d’une maison peut poser problème : ce digestat, c’est quand même de la « merde » ! Si la dégradation est bien menée à son terme dans le méthaniseur, le digestat ne devrait pas émettre d’odeurs (la FE ne remet pas en cause ceci). Mais quoi de plus légitime pour un riverain que d’exiger une sécurité à 100 %… que personne ne peut lui garantir : voir le mauvais exemple de Méta Bioénergie à Bel Air de Combré (49), unité pilotée pourtant par une multinationale. Et comment échapper aux chargements et déchargements ? Qui peut affirmer avec certitude que le jour où le propriétaire voudra vendre sa maison, ce ne sera pas un frein ?

Les MRAe constatent d’une part qu’aucune étude d’impact n’a été faite sur la construction de ces fosses. D’autre part, celles-ci étant non couvertes, elles favorisent la volatilité de l’ammoniac (particules fines). Or, leurs incidences potentielles n’ont pas été évaluées ! Pourtant, le risque de fermentation qui est source de dégagements d’ammoniac même après méthanisation ne peut être exclu.

Il faut penser aux conséquences et ne pas se tromper d’ennemi : notre ruralité a besoin de calme et de solidarité. D’autant plus que personne ne semble s’opposer à la méthanisation. L’acceptabilité sociale passe par une prise en compte de ces problèmes.
Deux solutions semblent pouvoir les régler : soit la poche, soit l’éloignement de toutes habitations. En concertation avec les populations concernées.

La FE, fidèle à ses principes ne peut qu’inciter les responsables à trouver des solutions, rappelant qu’il ne doit y avoir ni gagnants, ni perdants.

Le pilotage

La conduite technique d’un tel site soulève des questions. La surdimension du site réclame les plus grandes compétences, pas toujours faciles à trouver en raison de la jeunesse de la filière. Les retours d’expérience montrent le rôle primordial de ce poste dans le succès ou l’échec des projets. Les bénéfices peuvent vite s’envoler en cas d’arrêt prolongé d’un digesteur suite à une négligence ou à une erreur humaine liée au manque d’expérience. Ce ne serait pas sans impacter le territoire. Et la télésurveillance sur de telles dimensions a ses limites.

Les routes communales

Même s’il est dans l’épicentre, les distances en majorité sur de petites routes interrogent. Si la problématique des routes départementales est bien traitée, il n’en va pas de même pour les routes communales. Certains élus s’inquiètent pour leur voirie au vu de citernes dépassant les 50  tonnes. En effet, dans notre beau pays, il est possible de rouler avec des citernes de 28 000 litres (12 tonnes à vide) tractées par des engins de plus de 250 chevaux ! Il est légitime de craindre pour les routes dont ils ont la charge. Un sujet préoccupant pour beaucoup.

Ne faudrait-il pas créer une commission entre porteurs de projet et élus afin d’anticiper les problèmes et rassurer les maires ?

Le maïs

L’utilisation du maïs (160 ha) est aussi un point négatif, mais les porteurs de projet connaissent déjà la position de la FE. Même si elle comprend la nécessité de lissage à l’année. Mais est-ce bien judicieux avec les sécheresses qu’on nous promet récurrentes ?

La culture de la silphie (utilisée dans l’Est de la France) ne serait-elle pas préférable : plus résistante aux sécheresses, viable une quinzaine d’années, jusqu’à + 60 % de rendement par rapport au maïs, donc moins de surface potentiellement ?

Oudon-Biogaz avait signé le texte du Cadre de référence départemental fixant un plafond à 10 % du méthane produit à partir du maïs. Ce texte avait été proposé par la Chambre d’agriculture et le Conseil Départemental le 4 décembre 2014. Ce critère concernait  la production de méthane, pas le volume des intrants. Ainsi, un méthaniseur ne devait pas produire  plus de 10 % de méthane issu du maïs. Soit, selon les calculs de la FE 53, environ 2,5 % des volumes entrant dans la machine. Or le projet parle de 5 %, le double donc : quid de ce cadre de référence ?

Voir le texte ici :

http://oudonbiogaz.info/wp-content/uploads/2014/12/2014_cadre_de_reference_metha.pdf

…Même si la loi permet d’aller jusqu’à 15 %, c’est-à-dire 500 ha !

Le SAGE (p. 9) rajoute :

« Il faut veiller à ne pas dériver vers les cultures pour alimenter le méthaniseur. »

Les MARe (p. 17) font l’observation suivante :

« Les MRAe recommandent de mettre en évidence les changements dans l’usage des sols générés par le projet ainsi que la surface qui sera soustraite d’un usage agricole à vocation alimentaire au profit d’une vocation exclusivement énergétique. »

Dans leur mémoire en réponse (p. 15), les pétitionnaires se justifient en invoquant les économies de surfaces réalisées dans chaque ferme grâce à la mutualisation et rappellent que l’étude d’impact ne concerne pas le type d’usage agricole. Les terres restent la propriété des agriculteurs et n’entrent pas dans l’ICPE. Ils concluent :

«  Ainsi, les choix opérés et les pratiques mises en œuvre par les exploitants agricoles sur leurs exploitations individuelles n’amènent pas d’avis de la MRAE dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation d’exploiter. »

N’empêche que la culture du maïs n’est pas sans lien avec le méthaniseur.

La FE 53 s’insurge contre ce décret car rien n’est prévu pour le contrôler et l’énergie consacrée à la culture et à l’ensilage de ce maïs n’est pas comptabilisée dans le bilan carbone global (comme le disent implicitement les agriculteurs au travers de la réponse précédente). Et la culture de cette plante (néfaste pour la biodiversité) entre en concurrence avec la culture qui nourrit l’homme. Chaque exploitation consacrera 2,1 ha pour le méthaniseur. C’est d’autant de surface en moins pour nourrir le bétail. Or, est-il prévu de réduire le cheptel proportionnellement ? Il faudra probablement dans le cas contraire compenser par du soja… importé d’Amérique ! Le bilan carbone au final ne sera donc pas celui espéré (facteur ILUC).

La FE 53 dénonce aussi la pression indirecte mise par les banques et les centres de gestion au motif de sécuriser financièrement les projets (= mettez du maïs qui peut être 10 fois plus méthanogène que les fumiers et les lisiers). Ces remarques ont été plusieurs fois remontées par d’autres porteurs de projet. Le « verdissement » de ces institutions reste à démontrer.

Pourquoi ne pas instaurer une prime incitative sur les fumiers et les lisiers pour limiter l’intérêt pour le maïs ?

Elle dénonce également les prix prohibitifs à son sens du tarif de raccordement de GrDF, ce qui entraîne les mêmes conséquences : 1 400 000 €, soit plus de 6 % du projet ! C’est un frein pour beaucoup de projets.

Tout ça pour dire que sur la question du maïs, les agriculteurs ne sont pas les seuls responsables (certains y étant même opposés).

La Bretagne ne montre pas l’exemple

La FE 53 devra avoir un œil très attentif sur le comportement à venir des  actionnaires d’Oudon-Biogaz, l’exemple breton incitant à la prudence. Voir le moratoire réclamé par cinq associations (et non des moindres) en Bretagne :

https://www.eau-et-rivieres.org/petition-methanisation-moratoire

En effet, là-bas, l’installation d’un méthaniseur s’accompagne généralement par une construction supplémentaire d’élevage de volailles ou de porcs afin de nourrir encore plus « la bête », ce que favorisent les aides généreuses de la région (voir le documentaire de France 5 de mardi 17/11 « Bretagne, une terre sacrifiée« ). On porte ainsi encore un peu plus atteinte à la biodiversité, un problème qui concerne tout le monde, pas seulement le monde agricole. Nous sommes loin de la politique de réduction de déchets annoncée.

L’utilisation des Cives et surtout du maïs y est aussi de plus en plus décomplexée.

Dès 2013, la Fédération avait pourtant tiré la sonnette d’alarme sur ces risques de dérives, ce qui lui a souvent valu des railleries. À l’époque, il était presque tabou d’évoquer ces dérives possibles tant certains défenseurs de l’environnement croyaient aux qualités vertueuses de la méthanisation…

Il est dommage qu’un bilan carbone pour chaque exploitation concernée ne soit pas effectué avant (la Chambre d’agriculture ne pourrait-elle pas le réaliser ?). En renouvelant l’expérience au bout de 5 ans, il permettrait de savoir si la méthanisation est un outil vertueux ou pas.

En clair, la méthanisation peut donner un coup de pouce supplémentaire à la course à la productivité. Exactement l’effet inverse à celui recherché si on raisonne gaz à effet de serre et biodiversité.

Or, qui nous garantit qu’il en sera autrement à l’avenir pour ce projet, la loi ne l’interdisant pas et le législateur ne semblant pas s’en inquiéter ?

 Au vu de la façon dont une partie de l’agriculture bretonne conçoit la méthanisation, la Fédération fera preuve de la plus grande vigilance.

5 – La spécificité de l’agriculture mayennaise

Il faut aussi tenir compte du contexte agricole mayennais dont l’élevage est (était ?) le point fort. Même s’il faut adhérer à l’idée qu’il faudra manger moins de viande, boire moins de lait, il faut aider l’élevage à se maintenir. Certes, parmi les 76 agriculteurs, certains ont de tels cheptels que les animaux ne voient jamais les champs : ce n’est évidemment pas ce type d’élevage qui a les faveurs de la FE 53. Mais ce n’est heureusement pas la majorité et faire payer à tous la dérive de certains serait contre-productif.

Il faut aider l’élevage laitier à se maintenir et la méthanisation peut y contribuer.

D’abord parce qu’il faut avoir à l’esprit qu’il existe un lobby qui a intérêt à tenir ce discours, au motif du bien-être animal (que la FE défend par ailleurs). Bel vient ainsi de lancer des fromages végétaux produits en laboratoire (donc sans lait !). La viande in-vitro également conçue en laboratoire arrive à grands pas, avec les conséquences qui vont avec. Quid de la biodiversité ?

Allons-nous accepter que le pouvoir de nourrir une partie de la planète migre des agriculteurs vers les industriels ?! Il faut craindre cette évolution parce qu’elle est bien réelle et parce que les plus grandes fortunes de ce monde y croient dur comme fer, au vu des sommes qu’ils injectent. Pour ceux qui seraient sceptiques, lire « Cause animale, cause du capital » de Jocelyne Porcher, livre sorti en 2019.

Ensuite, parce qu’à chaque fois qu’une ferme d’élevage disparaît, elle s’en va en agrandir une autre pour la mettre en culture. Et les haies sont les premières victimes : on parle d’un km en moyenne en Pays de la Loire qui disparait à chaque reprise ! 1 km de haie, c’est 10 couples d’oiseaux nicheurs, c’est aussi 5 tonnes de CO2 capturées par an ! Sachant que lorsqu’une exploitation abandonne son étable, elle n’y revient jamais.

Le charme de la Mayenne, c’est son bocage. Il est sérieusement menacé aujourd’hui. Étonnons-nous des dégâts des tempêtes et des inondations ensuite ? Il faut y ajouter la disparition des prairies naturelles qui sont de véritables puits de carbone.

La douloureuse expérience du Lude dans la Sarthe est là pour nous le rappeler : des agriculteurs qui partent à la retraite sans être remplacés, des fermes qui disparaissent, l’élevage laitier avec. Résultat : la laiterie Candia que chacun pensait immortelle a fermé ! 190 personnes y travaillaient ! Une hécatombe pour le territoire. C’était il y a 6 ans… Près de chez nous. Tout le monde ne devrait-il pas se sentir concerné ?

Selon les chiffres publiés dans le Haut Anjou du 13 novembre 2020, « les Pays de la Loire ont perdu 36 % des exploitations en 10 ans ! En Mayenne, 300 exploitations sont à reprendre mais seulement une centaine de jeunes s’installeront. » L’an dernier, un seul jeune s’est lancé dans l’élevage laitier… Pas étonnant : le prix moyen des 1 000 litres a encore diminué depuis un an (326 € au lieu de 340 selon FranceAgriMer).

En supprimant les vaches, on se prive aussi des déjections qu’on est obligé de remplacer par les engrais chimiques…

Certes, il existe aussi de sérieuses controverses sur la qualité des digestats, certains scientifiques (comme Pierre Aurousseau) pensent qu’on nourrit la plante mais pas le sol. Or, une diminution de la matière organique entraîne un appauvrissement des sols.

Enfin, à chaque fois qu’une exploitation en agrandit une autre, le déséquilibre s’accentue dans la ruralité. Tout disparaît ou au mieux fusionne : écoles, clubs sportifs…

Certains diront qu’en voulant soutenir l’élevage, la FE soutient un modèle agricole à bout de souffle. Mais est-ce qu’en s’y opposant, le mode agricole changera pour autant ?

Qui a les moyens de changer radicalement ce modèle agricole aujourd’hui ? Que fait-on ?

La position de la FE 53 sur ce projet ne l’engage aucunement sur d’autres projets. Elle pense que la méthanisation peut être un outil au service des agriculteurs. Au monde agricole de prouver qu’elle a raison. Sinon, elle devra reconsidérer sa position sur la méthanisation dans le département. L’avenir le dira…

6 – Une opportunité à saisir

Oui, il faut même aller plus loin !

De nombreuses opportunités s’offrent au territoire. Une façon aussi de faciliter l’acceptabilité sociale du projet, si difficile.

Il manque à ce projet une station BioGNV (gaz liquéfié issu de la méthanisation servant de carburant). Elle pourrait s’installer à Craon ou à Cossé-le-Vivien.

Là, la balle est dans le camp des élus car Oudon-Biogaz, faute de liquidités suffisantes malgré l’intérêt d’un tel outil admet son incapacité à le financer (900 000 € environ). L’économie circulaire ne nous tend-elle pas ici les bras ?

Un grand transporteur lavallois dont une quarantaine de poids lourds sont déjà équipés au gaz déplore de devoir se ravitailler à Château-Gontier pour faire le plein (la seule station BioGNV en Mayenne)… Le nombre de poids lourds à Craon et dans les environs ne manque pas non plus. D’autant plus que les transporteurs sont prêts : ils savent que nombre de grandes villes leur seront interdites s’ils continuent à rouler avec de l’énergie d’origine fossile. Et comme les poids lourds  électriques (au contraire des voitures) ne semblent pas avoir un avenir prometteur, il serait dommage de ne pas s’engouffrer dans la brèche créée par cette opportunité du BioGNV. L’amortissement se fait en moyenne en trois années seulement.

Puis la route de Saint-Nazaire-Nantes peut passer aussi par Craon… après avoir emprunté la future rocade de Cossé-le-Vivien.

Ce projet pourrait également servir d’alibi pour équiper les camions d’Oudon-Biogaz et ainsi donner encore plus de sens au projet. Sans oublier New Holland qui commercialise des tracteurs roulant au biométhane depuis plusieurs années.

Rien n’interdit non plus de penser que ce biométhane pourrait être utilisé pour chauffer des bâtiments publics (écoles, collèges, salles, bâtiments administratifs…). Sous réserve évidemment de vérifier la compétitivité de ce gaz avec les prix du marché ou d’envisager une éventuelle compensation.

Ce projet, au vu de la quantité de bâtiments et de fosses pourrait faire l’objet d’un programme photovoltaïque (via un financement participatif ?). La loi le permet pour l’autoconsommation.

Des ressources supplémentaires en perspective qui pourraient limiter en même temps la part de maïs ?

Un nombre de possibles s’offre au territoire. Il est encore temps. Prenons le temps.

Le GAL (Groupe d’Action Locale) du Sud-Mayenne, Territoire d’énergie Mayenne et le Pays de Craon ne pourraient-ils pas s’emparer de ce sujet aux côtés des porteurs de projet, des élus, des experts…?

Pourquoi pas une entrée dans le capital de la SAS Oudon-Biogaz d’une collectivité ? Une gouvernance rassemblant des agriculteurs (qui garderaient la majorité), une ou deux entreprises et une collectivité, n’est-ce pas la recette pour mener au mieux un vrai projet de territoire ?

Si les porteurs de projet, les élus, les décideurs, les citoyens le veulent ENSEMBLE, le projet Oudon-Biogaz peut redorer avantageusement le blason de la méthanisation. Pour le bien de la planète. Pour le bien de tous. Pour le bien du territoire.

CONCLUSION

La Fédération pour l’Environnement en Mayenne n’a en l’état pas suffisamment d’éléments pour se prononcer sur le questionnement des MRAe, sur la réserve du SAGE et sur le mémoire en réponse d’Oudon-Biogaz. Le problème généré par les fosses non couvertes n’est pas réglé non plus.

L’avis favorable au demeurant n’est pas remis en cause mais sa position finale s’appuiera sur le compte-rendu du commissaire-enquêteur et sur les réponses du service instructeur voire celles des MRAe.

Lorsque le projet arrivera en Coderst, l’essentiel des interrogations sera levé : c’est à ce moment-là que la Fédération formulera son avis définitif.

Le bureau »

 

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